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Typologie des noms

Pour construire un nom de marque, d’entreprise, de produit ou de service, plusieurs hypothèses formelles sont possibles, chacune impliquant des effets de sens en terme d’identité et de communication. Le mode de construction est rarement pré-déterminé. Certaines hypothèses sont plus « faciles » que d’autres, mais ce n’est parfois qu’une illusion à court terme.

La marque patronymique

Historiquement, les premiers signes d’identification d’un produit, d’un artisan ou d’un commerçant étaient essentiellement composés à partir de leur nom (par exemple, dès l’antiquité, on pratique le marquage des amphores à l’aide de signacula). Si le moyen-âge a surtout vu se développer des « marques » de corporations, l’industrialisation et l’intensification des échanges ont amené les industriels à se faire connaitre, assez naturellement, sous leur nom. Ford, Citroën, Renault, Peugeot, Michelin, Dassault, Heinz, Goodyear, Dunlop tout comme Lacoste, Kärcher, Hachette, Larousse, Leclerc, Nestlé, Pathé, Vuarnet ou Zeiss ainsi que la plupart des marques de couture ou parfum, portent le nom de leur créateur. Elle est simple à créer, mais il faut que le patronyme soit disponible pour les produits ou services concernés (Inès de la Fressange, évincée en 1999 devra racheter sa marque, en 2013, pour l’exploiter à nouveau). Ses défenseurs y voit un engagement plus fort que sur une marque inventée, mais combien de générations seront concernées ? Lorsqu’elles passent les générations, c’est que la référence au fondateur est devenue icône, elles sont donc devenues des marques « comme les autres ». Quitte d’ailleurs dans ce cas à faire un retour en arrière pour redonner du sens (quand Rana retrouve le prénom de son fondateur Giovani, par exemple).
La marque patronymique peut aussi être inventée, souvent pour donner plus d’humanité à un produit industriel (Justin Bridou fait référence au bridage du saucisson et à une saveur exceptionnelle, unique, juste un…) ou pour raconter une histoire (bien qu’ayant sa statue, Jean-Sébastien Mouche, des bateaux du même nom, n’a jamais existé). Elle peut aussi se faire discrète (Melitta est le prénom de Mme Bentz, qui bricola les premiers filtres à café) ou par association d’éléments de personnalité fondu en un néologisme qui pourra prendre son envol indépendamment de son fondateur. Lorsque les frères Dassler se brouillent en 1948, ils se séparent mais gardent leur spécialité, les chaussures de sports. C’est avec des Dassler que Jesse Owens gagne quatre médaille en 1936. Rudolf, dit Rudi, va créer Puma, mais Adolf, surnommé Adi, va associer son prénom et le début de son en ADIDAS. Harpic est la contraction d’Harry Picman.

Cette piste n’est donc pas à exclure systématiquement.

Le sigle, l’acronyme et l’acronyme signifiant

Sigles et acronymes sont souvent séduisants, car ils permettent de faire un nom tout en l’expliquant, donc finalement de ne pas choisir entre nommer et expliquer. Pourtant c’est méconnaitre une des principales règles de la marque, qui doit définir son territoire, se charger de significations et de valeurs spécifiques, donc créer son propre sens.

Le sigle est une suite de lettres qu’il faut épeler, comme SNCF, TGV, LCL, EDF… Souvent nécessaire pour raccourcir un nom trop long, il peut être créé a posteriori par l’usage ou le résultat d’une volonté initiale, ce qui permet de le choisir et de « l’imposer » (SNCF et non pas SNCFF ou SNC2F ; EDF et non pas EF…).

Certains sigles ne sont pas censés avoir de traduction « développée » ou peuvent les perdre avec le temps (comme LCL qui ne dit plus Le Crédit Lyonnais dans les jeunes générations).  Les lettres d’un sigle doivent être bien choisies pour qu’il soit à peu près prononcé de la même manière dans différentes langues, ce qui sera toutefois très rare. Plutôt froid et technique, le sigle est une des rares formes de marques qui se prête à de nombreux détournements. Les plus anciens se souviennent sans doute du Sauvez Nous de Charles Fiterman (ministre communiste des transports au début des années 1980), moins méchant que Sur Neuf Cinq Fainéants. Chaque grève de la RATP peut faire ressortir les Reste Assis T’es Payé ou Rentre Avec Tes Pieds et beaucoup soutiennent que TER veut dire Toujours En Retard…

L’acronyme est un sigle à prononciation syllabique, qui forme un mot prononçable : FIAT, FNAC, SOPALIN, SEB… On peut dans sa construction prendre uniquelent les lettres initiales (sigles acronymique) ou une ou plusieurs lettres de chaque terme qui le compose (acronyme). Formant un mot, il a une très forte capacité à se lexicaliser en dehors de sa signification d’origine, qu’il va d’ailleurs très souvent chercher à perdre (qui se souvient de la Fédération Nationale d’AChat, puis d’Achat des Cadres ? Quoi de plus descriptif et inutilisable que Fabbrica Italiana Automobili Torino ?). Comme pour le sigle, son développement, qui ne sert généralement qu’au démarrage, peut se faire a priori ou a posteriori, on cherchera à ce que les termes qui le composent soient logiquement assemblés, utiles et fluides pour former un « mot » agréable. Le i  (italiana) de FIAT est un peu redondant avec le T (Torino), mais FAT ou FIA seraient sans doute moins bien passés. Parfois la composition initiale de l’acronyme ne sera qu’un moyen de création et n’aura pas vocation à être utilisée. C’est d’ailleurs heureux, IKEA étant nettement plus simple que Ingvar Kamprad d’Elmataryd à Agunnaryd.

L’acronyme peut enfin devenir signifiant, avec plus ou moins de bonheur ou de succès.  S.O.C.R.A.T.E. pour Système offrant à la clientèle des réservations d’affaires et de tourisme en Europe, disparu en 2003, ne renaitra pas de ses cendres. On peut se permettre quelques libertés avec l’orthographe du terme dont on cherche à se rapprocher, comme pour AMELI, l’Assurance Maladie En LIgne. L’exercice est toutefois difficile et rarement réussi, et d’autant moins nécessaire que comme les exemples précédents, le but sera de perdre le libellé complet pour ne conserver que l’acronyme. Si AUDI peut vouloir dire Automobile union deutschland industrie, c’est aussi la traduction du nom de son fondateur, Horsch, déjà utilisé comme marque automobile. Certains pousseront l’exercice au plus loin, comme la Nouvelle radio jeune, transformée en sigle signifiant : NRJ.

Le néologisme

C’est un mot nouveau, inventé. Il peut être formé par association de radicaux ou d’unités signifiants (Elexence est un label EDF exprimant l’excellence des solutions électriques) ou par condensation (le mot-valise NUMERGY regroupe le NUMErique et l’énERGY). Il peut être construit sur une base purement phonétique (Kodak), le fruit d’une recherche (Caperlan, Solognac) ou celui du hasard (Gardenal – lorsqu’il a fallu trouver un nom pour la nouvelle formule du Véronal le brief a été de « garder nal »).


Le néologisme permet de marquer fortement une volonté de distinctivité et d’innovation dans l’identité créée. Il permet de définir un territoire original et spécifique, dans lequel les concurrents auront plus de mal à s’engouffrer.
Il peut paraître également plus simple à protéger, puisqu’inventé. Toutefois, il faudra alors être d’autant plus vigilant sur les termes proches en « similitude ».

Le nom signifiant

Il peut être en partie descriptif (ex. : CANARD WC qui décrit la forme et la destination, ou Kiloutou dont la vocation est explicite) et correspond dans ce cas à la volonté de créer une identité immédiatement décodable. La facilité n’est qu’apparente, car si le lancement sera facilité, le territoire de marque sera faible et difficilement protégeable. Ce choix limite les évolutions futures, en gamme comme en territoires. Canard tout seul a toujours maintenant du mal à sortir du petit coin (coin coin). Kiloutou a fait évoluer son logo en 2016, abandonnant progressivement ce nom trop francophone pour une symbolique moins explicite, mais plus internationale et ouverte.

On réservera donc cette hypothèse à des noms, ou plutôt des prénoms, de produit ou de service uniques. N’oublions pas que la marque, sous peine de rejet juridique, ne peut être totalement descriptive du service rendu ou de l’objet désigné, puisqu’elle doit permettre d’identifier son auteur sans risque de confusion.

En revanche, le nom peut être évocateur et bien qu’existant, sans lien de description, de dénotation, avec ce qu’il désigne (ex. : ADAGIO pour des apart-hôtels), suffisamment « décalé » pour couvrir une entité multiple et offrir une réelle richesse de sens parallèles.
Un nom évocateur permet une bonne capitalisation en terme d’image, ouvre souvent des pistes de communication intéressantes et riches et surtout va définir un territoire propre qu’il faudra imiter si on veut y empiéter.

Certains noms signifiants passeront pour des néologismes, notamment dans les langues étrangères à leur langue d’origine, comme Frolic (gambader en anglais), Adobe ou encore Ysatis (l’isatis est un renard des neiges).